l'efficacité pornografique :
quand vous cherchez une clientèle féminine
au téléphone, ou en tant que poète, ou les deux
il vous faut connaissance des modernes et des classiques
mais il vous faut surtout de la lenteur
ce n'est pas un service à un jeune homme que vous offrez
mais à des femmes de tous âges, qu'il faut désangoisser
vous expliquez d'abord que votre jeu a des principes, sans blague,
vous arriverez même à parler de ce que vous ne savez pas
vous ne vous adonnerez jamais au pastiche,
même si vous connaissez personnellement les auteurs
vous direz aux femmes :
Mais dites-donc, chère Alexandra,
je sors les numéros que vous me donnez comme-ça,
au... hasard
ouf, que ça vous a pris du temps de me les dire,
mais le dernier vous en étiez décidée...
Vous y voilà bien représentée,
par la carte que j'ai mise de mon propre,
au hasard aussi, je vous garanti
:::vous savez, je sors les cartes
avec la main gauche si c'est pour une dame.
Et ça ne rate, quelqu'un va s'insinuer
vous vous marrez ? c'est votre mari ?
ah ! non ! j'ai tout faux, ce n'est pas la première fois que je fais ça,
et il n'y a que les jeunes qui devinent
revenons aux cartes, j'ai des choses à vous dire,
en revanche, que je n'ai dites jamais à une cliente
le Pape pour ennemi je crois qu'il faut le lire sur le plan
des idées, de votre profonde révolte contre l'autorité
je dis à toutes que la psychanalyse sauvage, tel définie par Laplanche
et Pontalis, reste ce qu'elle est, une sauvagerie
mais on en a des points de dialogue pour civiliser l'oracle
des ponts, je veux dire, malgré la simplicité des cartes
vous savez ? ici, pour que mon fils dorme
j'écris lumière éteinte, et les cartes je les vois à peine
avec ce qui revient de la bougie basse consommation du WC
avant j'avais des bougies en paraffine et sinon un bon Flexo
je parlais espagnol, avant, et j'avais un souci de précision,
sans prétention mais de l'ambition,
la coupe à gauche, et j'essayais toujours de conduire au bonheur
c'est pour cela qu'on me payait
et à présent
à présent vous êtes au centre
mais vous ne vous appelez pas Alexandra,
mais Catherine Crachat, et je vous connaît encore moins
je viens de lire dans le roman de Pierre Jean Jouve
au hasard, juste avant de vous tirer les cartes,
un passage dont je tache de me souvenir
et qui me rappelle ce que vous me dites
oui, c'est pas peu ce que vous dites
du moins au téléphone, un souhait d'une vie plus
silencieuse
plus douce, et en même temps
si vous permettez que je vous file
des choses entendues à mes collègues
avec d'autres clientes
en roucoulant la voix virilement, c'est à dire
des expressions toutes faites qui leur semblaient propres
tellement il fallait mélanger le ton aux sons derrière le fil
mais ce n'est pas le moment, je vous le dirai
à la fin
ou un peu avant
mon ami les disait à tout moment
il était pas athlétique, mais tonique
il pastichait avec des vraies larmes
il n'aimait pas d'être tombé si bas, mais la joie en même temps
était par dessus tout son aura médiocre et agonique
c'est ça, vous allez exploser
depuis je lui ai emprunté l'expression pour des poèmes
Mais dis-donc, elle a raccroché
j'aurai eu pour un bon moment de littérature
à déjouer l'épée
et trouver le charme du pendu,
c'est mon métier.
Je le fais en tant que poète
le tarot n'est nullement sacré
comme la drogue, ou un outil chirurgique
caramba, le sacré empêche le bonheur,
du moins, je crois, sauf le sacré bonheur lui-même.
Pour une fois qu'en ayant dit, vous êtes blonde,
j'ai bien deviné...
...
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